Miwa a sorti le 27 Octobre dernier son premier single Flè Kiskeya. Spoken-word ou la place naturelle de la poésie : tout, sauf dans les livres fermés. Que peut-on retenir de ce projet de Vilsaint et Gosselin ?
Une fleur.
Ce titre est une fleur. Elle séduit, elle accroche. La musique est contemporaine et comprend tout ce qu’on attend d’une musique agréable à écouter à différents moments, avec différentes humeurs. On serait même tenté de dire commerciale, si elle n’était encore qu’en bouton.
Seulement, elle est fleurie. La musique de Guillaume Gosselin précède, offre une tige propice et forte au chant d’Emmanuel Vilsaint. Une tige fragile qui se pare de feuilles qui la nourrissent. Elle se solidifie, prend de la place dans le souffle de l’atmosphère. Elle monte et fait ruisseler l’humidité pâle d’un matin. Son tranchoir dans le vent dessine sa silhouette et permet d’offrir un calice à la fleur poétique de Vilsaint.
Elle, elle éclate. Chienne de peinture immatérielle et organique. Aussi fragile que les différentes émotions qui émanent des mots. Aussi forte que les mots qui émanent de ses émotions. Pour qui connaît un tant soit peu l’œuvre d’Emmanuel Vilsaint, on reconnaît le don. Le don des pensées, d’une vision franche, honnête de son île natale, Haïti, île des poètes et des peintres, du monde occidental atteint d’Alzheimer. Pour notre bonheur, le brassage est là. Le brassage d’un tout sans cesse renouvelé. Force et vigueur. Douceur et douleur. Magies et mystères. Au cours de l’écoute, cette fleur se mute, se referme dès qu’on la ressent assez pour la saisir. Elle ne se referme pas pour s’enfuir ; mais pour se rouvrir au lendemain. Mais différente, ailleurs, dans d’autres circonstances. On attend de la revoir, de la redécouvrir. Différemment. Cela, grâce à la poésie et non à travers des paroles poétiques. Nous ne sommes pas dans la chanson poétique. Nous ne sommes pas dans la poésie musicale. Nous sommes dans la poésie accompagnée de musique, tout comme nous sommes dans la musique accompagnée de poésie. Retour aux origines. Deux partitions indépendantes, fortes, mais qui conjuguent leurs forces pour créer un microcosme indépendant.
En somme, cette fleur est à sa place. La première du jardin. Un jardin que l’on visite tous les dimanches, mais que l’on va nous faire enfin ressentir, enfin voir, comme nous devrions voir le monde. Intensément et avec des yeux réenchantés. Nous attendons de rêver l’ensemble de l’album.
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